Appartement de Chlorine

*ting*

L'ascenceur s'ouvrit sur le 17eme étage. Chlorine sortit de sa poche une clé, oubliant totalement ses projets de retourner à la bibliothèque. Elle avait besoinde boire un coup et de courir sous sa douche. Hell s'approcha en miaulant, elle le prit dans ses bras et caressa le pelage blanc de l'animal. Elle le posa sur le canapé rouge sous la fenêtre du salon et passa dans sa cuisine. En fouillant sous l'évier, elle trouva une bouteille de vodka et s'en servit un grand verre qu'elle vida cul-sec. En attendant que le liquide translucide infecte ses veines, elle se débarrassa de ses vetements et de ses backets dans un coin de l'appartement avant d'échouer dansla salle de bain. L'eau brulante aidant, les vapeurs d'alcool lui montait à la tête et elle sortit de la douche à moitié trempée, et s'effondra sur son lit.

Elle se reveilla le lendemain matin, la tête vide et dans le brouillard, avec une migraine atroce. Elle était nue sur sa couette, n'ayant eu le temps la veille, ni d'enfiler un pyjama, ni même de rentrer dans le lit. Et maintenant, elle payait le prix des 30 cl de vodka sèche qu'elle avait bue. Mais les souvenirs resistent mieux à l'alcool que sa tête, et en se massant les tempes, elle se releva, les vêtements éparpillés au sol lui rappellant sa journée d'hier.

Elle n'avait même pas la force de se plaindre, ou l'envie de le faire. Et la seule dont elle pourrait se plaindre, c'était elle-même. Elle lança la cafetière, en retournant dans sa chambre enfiler quelque chose de plus décent que son actuelle nudité. De retour dans la cuisine avec une juper noire trop courte, à la ceinture bordée de chaines métalliques et de clous plats, en train d'enfiler un débardeur noir, elle attrapa une tasse dans le placard et comme la veille, vida d'un trait son contenu, esperant que la caféine aurait l'effet inverse à celui de la vodka. Dans le tiroir, une boite d'aspirine lui redonna toute sa tête, et un nouveau souvenir de la veille lui revint.

"Où est-ce que j'ai mis cette foutue lettre ?!"

Hell s'était réfugié prudemment sous le canapé en entendant sa maitresse vociférer, puis en sortit en courant en voyant celle-ci se jetter dessus une fois la lettre retrouvée. Elle arracha l'envellope et prit la feuille imprimée dans sa main. Helle décida finalement de venir se caler sur ses genoux, et sentit cette boule de poils blancs pelotonnée contre elle apaisa Chlorine, du moins suffisament pour qu'elle puisse achever de lire la lettre.

Le texte était froid et stupide. Comme chacune des lettres qu'elle avait reçue de ce froid et stupide lieu administatif. Aucune chaleur, aucune compassion, aucun respect, aucun égard.

"Le prisonnier n° 274531.66801, Cole Ikunen, a fait la nuit dernière une tentative de suicide. Etant la personne désignée à charge pour cette personne, vous pourrez venir la voir à partir de jeudi 17à l'hopital d'Eyo..."

Cole ... C'était la troisième qu'il faisait. Et comme toujours, elle en pouvait aller le voir que deux semaines après. Elle soupira profondément, et essuya la larme qui avait coulé silencieusement sur sa joue. Hell la regardait de ses grands yeux rouges, un long regard triste et adorable. Elle embrassa la tête de l'animal et le posa à coté sur le canapé.

Avisant la pendule, elle se dit qu'elle devrait se préparer à partir bientot ... La bibliothèque ouvrait à 10 heures, et elle s'accordait un droit de retard. D'ailleurs, elle ne devait travailler qu'à partir de cet après-midi, aujourd'hui, mais elle venait toujours en avance. Elle retourna dans sa chambre et attrapa une paire de chaussettes montant en dessous du genou, toutes aussi noires que le reste de sa tenue. Elle se rattacha les cheveux comme la veille, une longue queue de cheval avec des mèches tombantes sur le devant. En repassant dans la cuisine, elle rempli le bol à croquettes d'Hell, et fini le reste de café qui trainait dans la cafetière. Il était encore chaud et son mal de tête avait définitivement disparu. Elle enfila ses bottes, des rangers militaires hautes, en cuir clouté à grosses semelles, et sa veste rouge à carreaux. Elle reprit son sac à dos et sortit, en claquant la porte derrière elle.


[ On déménage dans la bibliothèque !! ]

[ De retour de la biblio et de l'appart de Kazu ]


A peine arrivée dans l'appartement, elle referma la porte sur elle et s'affala contre. L'anesthésie à laquelle elle avait forcé son esprit commençait à se désagréger, et elle avait l'impression que sa vie partait peu à peu en miettes. Bien sur qu'elle avait eu mal en quittant cette pièce, en quittant cet appartement, en sachant pertinnement qu'il n'avait aucun moyen de la retrouver autre que la bibliothèque et qu'il n'y reviendrait sans doute pas. Et puis cette lettre, sa rencontre avec Narayan Maruni et Kazu, tout son passé qui ressurgissait. Hell vint se frotter sontre sa jambe repliée comme à chaque fois qu'elle revenait à l'appartement et elle s'aperçut sur le moment d'à quel point elle s'était enfermée dans la routine.

Perdue, elle fit ce qu'elle faisait toujours en pareil cas : Une liste. Ou plutôt, en tant que bibliothécaire consciencieuse et écrivaine à ses heures perdues, elle attrapa une feuille, un crayon et se mit à écrire à même le sol les questions qui fusaient dans son esprit embrouillé.

La première qui lui vint à l'esprit était simple : Que s'est-til passé de si exceptionel entre hier et aujourd'hui ? Rien de bien compliqué à première vue, mais les mécanismes qui s'enclenchaient dépassaient l'entendement. D'accord.

Question n° 2: Quels mécanismes l'avaient conduite jusque là ? Son passé bien sur. Et la lettre qui reveilla tout cela. Bon.

Question n° 3: Qu'allait-elle faire de/suite à cette lettre ? Elle savait ce qu'elle devait faire. Cela faisait des années qu'elle le savait. Oui mais elle n'avait pas ENVIE de le faire. Soit.

4eme et dernière question : de quoi avait-elle réellement envie ?

Elle laissa une dizaine de centimètres entre chaque question et se prit la tête entre les mains. Elle griffona des fleurs tordus et à demi-fanées dans la marge, au milieu de petites seringues. Son pendentif, de cette forme si particulière qu'elle aimait tant, était glacée et son contact à sa peau la faisait frissoner. Pourtant, le temps n'était pas particulièrement froid, mais ses nerfs à fleur de peau la rendait plus qu'hypersensible. Elle se releva, serra Hell contre sa poitrine avant de reposer le gros chat sur le canapé où il finit sa sieste. Elle fila sous la douche, son remède miracle à tous les maux du monde.

En passant sous l'eau brûlante, elle soupira. La réponse à la dernière question était évidente. Elle voulait le voir, lui, Kazu. Il lui manquait. Son parfum et ses cheveux roses lui manquaient. Mais pour une bonne dizaine de raisons, elle ne devait plus le voir. Et ça lui faisait mal.

Mais elle avait trop à faire maintenant pour avoir le temps d'avoir mal, pensa-t'elle en sortant de la douche. Elle se sécha rapidement les cheveux et attrapa dans son armoire de quoi s'habiller. Son look était presque normal comparé à d'habitude : elle avait un jean noir, un t-shirt noir à manches longues, des chaussettes blanches et s'était de nouveau attachés les cheveux, cette fois en une longue natte qui reprenait le dégradé gris et turquoise mélé de mèches blondes, de ses cheveux.

Elle s'assit à son bureau, à coté du canapé rouge et ouvrit le logiciel de traitement de texte. Elle tapa une longue lettre, protocolaire à souhait, où elle réquérait l'appui d'un avocat du bureau d'Aoi Okayashi, un de ceux qui avaient plaidé pour son frère au procès. Elle demanda dans la fin de sa lettre un rendez-vous, qu'elle comptait bien redemander en personne à la secrétaire d'Okayashi.

Elle tria les papiers qui encombraient le reste de son bureau, et mit tous ceux qu'elle avait entassé concernant l'affaire dans un dossier. Les lettres de la prison pour les trois tentatives de suicides. Les examens psychologiques. Les examens médicaux. Le mot écrit à la va-vite sur un bout de papier par Cole menotté qu'il avait tendu à son avocat avec un signe de le donner à Chlorine avant d'etre emmené dans sa cellule. Ce simple petit mot où il n'y avait écrit que "Je t'aime petit soeur." et qu'elle avait si longtemps ignoré, oubli" dans un tiroir pour ne pas le voir et se laisser prendre par les remords.

Une fois de plus, d'un coté plaidait Cole, silencieusement, à sa manière froide et douloureuse, qui se laissait mourir, voir essayait d'accélerer cette mort lente. De l'autre, Angel, avec cette promesse vieille de trois ans qu'elle lui avait faite avant de lui dire adieu, cette question à laquelle elle avait répondu sans hésiter, puisque c'était la dernière chose qu'elle pouvait faire pour lui : "Tu ne seras jamais faible comme lui, hein Chlor ?"

C'était l'une des raisons de cette dizaines d'autres raisons possibles pour lesquelles elle était partie de chez Kazu. Et pour lesquelles elle avait peur d'y revenir.

Cette promesse, c'était son dernier lien avec Angel, et même si elle devait se mentir à elle-même, mentir aux autres, se vider le tête coup d'alcool, de caféine, de pages de livres ou de douches à répétitions, elle l'avait jusque là tenue. Mais sa rencontre avec Kazu avait chamboulé tout cela. Par deux fois, elle s'était montrée faible face à lui. Cette promesse idiote la retenait, si il ne venait pas, elle ne le reverrait sans doute jamais plus, parce qu'il était un danger envers cette promesse. Angel lui manquait...

Mais à cet instant présent, c'était Kazu qui lui manquait plus que tout. Elle secoua vivement la tête et se leva de son siège. La cafetière était encore à moitié pleine de ce matin, trois bonnes tasses de café froid qu'elle n'avait pas bu. Elle en rempli un verre, et le vida cul sec. Elle visa le reste du café, en se disant que l'effet lui irait sans doute mieux que celui qu'avait eu l'alcool. La question qu'elle s'était posée ce matin face à la jeune fille lui revenait à l'esprit : qui était-elle pour ce garçon rencontré il y a à peine deux jours ?

"Yeurk ..." lança-t'elle finalement, avec une mine écoeurée et quelques secondes de retard.

Boire ce truc n'était sans doute pas ce qu'avait fait Chlorine de plus stupide aujourd'hui. Il n'empeche que ce liquide qu'elle affectionait tant chaud, bu froid, à même la cafetière, sans sucre et cul sec était une vraie forme d'auto-flagellation. Elle reposa le bocal de verre à son emplacement habituel et s'appuya d'une main au comptoir. Hell somnolait sur son tapis beige clair, elle voyait son pelage se soulever doucement. Des souvenirs de sa nuit de la veille lui revinrent devant les yeux, ainsi qu'une vague de douleur dans la poitrine. Elle secoua une nouvelle fois la tête, son reflexe habituel de déni de ses faiblesses, de sa douleur.

Elle couru presque dans sa chambre et se planta devant l'armoire. Instinctivement, elle voulait regler une bonne fois pour toutes ses comptes avec ses fantômes du passé. Les vieux démons commençaient vraiment à lui peser. Elle fouilla les cintres et retrouva la seule tenue qu'elle ai d'adaptée à là où elle comptait aller : Un tailleur noir, fait d'une jupe taillées dans un tissu épais noir à très fines lignes grises pailletées se rejoignant pour former des carreaux écossais, une veste assortie à col mao et une chemise blanche. Elle sortit de son placard des bas fins gris fumés et choisie une paire de ballerines noires pour aller avec l'ensemble. Ses rangers feraient définitivement mauvais effet. A peine maquillée, toujours coiffée de sa longue nattes bicolore, elle enclencha le répondeur, plus par habitude qu'espoir réel d'un appel, caressa Hell en passant et sortit, sans claquer la porte pour une fois. Il fallait définitivement qu'elle perde cette habitude...



[ Direction le quartier des affaires, le cabinet d'Okayashi ]